mercredi 17 juin 2009

A quoi tenons-nous?


Des décès, il y en a tous les jours... Des hommes, il en meurent à chaque instant, et pourtant il est des départs qui bouleversent plus que d'autres...
Des drames qui se déroulent près de chez nous, pendant que nous sommes plus heureux que jamais...
Ceux-là nous touchent en plein coeur... Peut-être parce qu'ils ravivent de douloureux souvenirs...
dans une société où l'on ne cesse de parler de l'espérance de vie qui rallonge, on en arriverait presque à oublier que si certains meurent de plus en plus tard, beaucoup aussi meurent "trop tôt"...
Le plus douloureux et le pire étant le caractère imprévisible de l'accident...
Perdre un proche suite à une longue maladie est terrible également , mais cela permet de se "préparer" psychologiquement, même si dans le fond, nous ne sommes jamais prêt à affronter la mort de ceux que l'on aime... Au moins , il y a un petit quelque chose en nous qui s'en doutait, du moins qui savait que c'était envisageable...
Avant-hier matin, deux petites camarades des filles, deux petites filles de 10 et 7 ans sont parties à l'école... Elles ont quitté leur maison, à quelques mètres de la nôtre... Et quand elles sont rentrées chez elle le midi, comme chaque midi, sauf que hier midi : leur papa était mort.
Le matin elles l'avaient pourtant embrassé, comme chaque matin et tout allait bien...
Mais alors, que s'est-il passé pour cet homme de 41 ans, qui n'était pas malade ?
Oh... Rien d'extraordinaire ... Il est "juste" tombé dans l'escalier! Comme moi il y a quelques semaines qui ai raté quelques marches, comme toi Dim il y a quelques mois et qui t'es relevé avec un coquard ... Comme chacun au moins une fois dans sa vie je l'imagine....
Et bien lui, il ne s'est pas relevé ! Pourtant il est "juste " tombé, on ne meurt pas d'une chute!!! Une chute du haut d'une falaise, du haut d'un pont, peut-être mais on ne meurt pas d'"être tombé dans l'escalier"... Et bien parfois, si...
C'est étrange, plein de fois Christophe grognait sur les filles (et un peu sur moi aussi) car nous laissions traîner, dans l'attente de les monter, des objets sur les marches de l'escalier... Il me disait souvent : "C'est super dangereux , on pourrait se prendre les pieds dedans, tu sais, dans ma famille quelqu'un s'est tué dans son escalier!", je l'entendais, je l'écoutais, mais je ne le réalisais pas ... Pas comme aujourd'hui, je ne sais même pas pourquoi...
Sans doute parce que ce monsieur, je le croisais tous les jours ou presque... peut-être aussi parce que sa maison est rigoureusement la même que la nôtre, comme une sur deux dans notre rue et donc qu'il s'est tué dans "nos escaliers" en quelque sorte... et puis aussi parce qu'il y a ses enfants...

Aujourd'hui, sa femme et ses filles pleurent comme jamais... Deux fillettes viennent de quitter violemment le monde de l'enfance et de l'insouciance pour découvrir avec effroi que non seulement les gens meurent , mais que leur papa et leur maman aussi peuvent mourir...
Plus rien ne sera jamais plus pareil pour elles...
Dès lors elles vivront avec le feu de la colère pour cette injustice et surtout, surtout, et c'est là qu'est le pire : avec la peur au ventre...
Chaque fois qu'elles quitteront leur maison, pour aller à l'école, pour aller à la gym, chez une copine ou chercher le pain, elles sauront qu'il peut arriver n'importe quoi...
Chaque soir, elles se coucheront rassurées que la vie leur ait laissé leur maman une journée de plus... Parce que quand papa n'est plus là, il reste maman, mais si maman aussi s'en va... Qui restera-t-il ?
Elles grandiront au milieu de chérubins qui ignorent tout de la cruauté de la vie et un fossé se creusera.
Elles attendront certainement leur 18 ans avec impatience... Le jour à partir duquel plus personne ne pourra légalement décider pour elle de l'endroit où elles vivront si le pire arrivait une seconde fois... Et le jour ou leur souffle éteindra leur 18 bougies, seuls ceux qui savent, ceux qui ont suivi la même route, sauront que ce souffle n'était en réalité qu'un soupire de soulagement... De l'autre coté du fossé, leurs amis fêterons l'année pendant laquelle ils pourront passer leur permis, aller voter ou juste être majeur faute d'être adulte!

Mais leur souffrance ne s'arrêtera pas là, jamais, plus jamais elle auront confiance en la vie pour l'avenir... Les projets ne se feront plus jamais à long terme...
Peut-être même seront-elles des éternelles impatientes... Des femmes qui voudront tout et tout de suite! Parce que attendre le jour de Noël pour se faire plaisir, le jour de la fête des mères, des pères, des grands-mères pour dire à quel point on aime est si ridicule dans un monde ou tout peut basculer d'un instant à l'autre, sans aucun signe avant-coureur...
Alors, ceux qui les prendront pour des femmes capricieuses, n'auront pas la moindre idée de leur histoire et ne soupçonneront même pas l'origine de leur souffrance...
Cette souffrance qui ne s'essouffle pas avec les années... Jamais...
Si un jour leur mari ne sera pas rentré le soir à l'heure prévu, si une demi-heure plus tard les embouteillages ne l'auront pas ramené en retard, si il reste injoignable alors qu'il ne quitte jamais son portable... Alors , ce ne sera jamais la rencontre avec un vieil ami et la panne de batterie qui lui traverseront l'esprit...
Et quand elles seront mères à leur tour... La spirale infernale recommencera... Les inquiétudes et les angoisses qu'elles croiront enfouies à jamais ressortiront , fortes comme au premier jour... Et même plus forte encore!!!! Un nouveau décompte égrainera les jours , les semaines, les mois et les années...
Celui des 18 ans de leurs enfants! Celui du jour où ils pourront se permettre de chuter dans l'escalier et de ne pas s'en relever sans que cela ne bouleverse à jamais la vie de ceux qu'ils ont de plus précieux au monde, la chair de leur chair...

Croyez-moi sur parole, quand l'ombre de la mort vous frôle dans l'enfance, plus jamais elle ne vous quitte... Elle est toujours là, tapie quelque part dans un recoin, prête à re-surgir à n'importe quel instant de doute ou d'angoisse... ou pire de bonheur!!!!

Jamais plus la vie ne sera la même...

Certains penseront qu'elles auront la chance de connaître la valeur de la vie, qu'ont ne peut vivre pleinement sans être conscient que nous sommes tous mortels, que jamais la vie n'a été aussi belle, la poire si délicieuse et le soleil si chaud que pour celui qui sait qu'il y goutte pour la dernière fois ...
Mais si vivre dans l'ombre de la mort omniprésente est un privilège, voici bien le premier que je ne souhaite à personne!!!

1 commentaire:

Jaki a dit…

J'imagine ceux qu'elles peuvent ressentir, nous il y a 3 ans pour mon père, c'est arrivé aussi brusquement mais dans un accident de voiture alors je les comprend et j'ai une pensée pour elles !!